Vulgariser l'économie en 2016 : place au "je" ?
Depuis une vingtaine d’années, la manière dont l’information circule dans nos sociétés a profondément changé. On est passé d’une ère où toute la famille regardait doctement le JT de 20h chaque soir, à une ère où tout un chacun reçoit un flux continu d’informations personnalisées, que ce soit sur Facebook, Twitter, par email ou en RSS. Les médias ont pour l’instant des difficultés à s’adapter à ce changement. Quelles conséquences cela peut-il avoir sur les activités de vulgarisation scientifique ?
Tout d’abord, ne tournons pas autour du pot : l’ère où le chercheur venait délivrer son savoir à la foule ignorante l’écoutant doctement est très certainement révolu. Cela ne signifie pas que ce mode très vertical de vulgarisation ne fonctionne plus mais plutôt qu’il est sur la pente descendante. La question est alors de savoir ce qui pourrait le remplacer.
Avec Passeur d’Éco, cela fait bientôt un an que je cherche une réponse à cette question. Avec mon doctorat bientôt en poche, je n’ai pas été formé dans le journalisme ni dans la communication, mais dans la production scientifique (et plus secondairement dans l’enseignement – même si, comme bon nombre de mes collègues, j’ai beaucoup appris sur le tas). Investir le domaine de la communication scientifique est un vrai challenge, qui nécessite des compétences assez différentes de celles habituellement acquises par les chercheurs au cours de leur formation. C’est toutefois un défi que j’ai voulu relever – et que je ne regrette absolument pas.
En bientôt un an, j’ai épuisé trois formats d’articles assez différents :
- l’histoire a commencé avec « Please, Help! », que j’ai initialement conçu comme une série de dix chapitres consacrés à des sujets fondamentaux en économie. Las, le côté très vertical de ce format m’a vite lassé, et j’ai abandonné une fois le cinquième chapitre publié. Vu l’absence totale de critique que j’ai eu de votre part, cela m’a un peu conforté dans l’idée que c’était une bonne décision
- elle s’est poursuivie avec ma collaboration avec Stupid Economics. Très chronophage, je n’ai pas non plus eu le sentiment qu’elle vous intéressait terriblement. J’en profite d’ailleurs pour vous annoncer que cette collaboration est arrivée à son terme il y a quelques jours. Je ne participerai donc plus à la production des épisodes d’Arnaud Gantier
- plus récemment, j’ai tenté le coup de #AskPasseurEco. Pour sûr, j’ai déjà reçu des questions (certaines particulièrement intéressantes qui plus est), mais je bloque un peu sur les articles pour y répondre, que je trouve là aussi trop… verticaux…
Je ne dis pas que rien a fonctionné, car j’ai énormément appris et à en juger par l’audience de Passeur d’Éco, c’est probablement aussi un peu votre cas (en tout cas, je l’espère !). Mais… je reste avec un sentiment de frustration. Comme s’il y avait un truc énorme dissimulé derrière un rideau qu’il me suffirait de pousser. J’ai toutefois une petite idée de ce que ce « truc énorme » pourrait être. Laissez-moi vous l’expliquer.
Hier, j’ai publié un article un peu différent des articles habituels, où je me suis assez simplement présenté (j’en ai aussi profité pour y parler un tout petit peu d’économie, avec l’exemple d’Amora). Cet article est surtout différent par son ton, que j’ai voulu plus personnel. L’usage du « je », notamment, est assez inédit sur Passeur d’Éco. Et vous savez quoi ? J’ai l’impression que ça fonctionne. À la fois pour moi, car j’aime écrire ce genre d’article où la petite histoire de mon existence se mêle à la grande histoire de la science économique. Et aussi pour vous, à en juger par les retours que certains d’entre vous m’ont déjà fait.
Mon intuition est la suivante : et si à la personnalisation des flux d’actualité il fallait répondre par une « personnalisation du contenu » lui-même ? Non pas du point de vue du lecteur, mais du point de vue de l’auteur. Mettre un peu plus de « je », et donner un peu moins l’impression d’une objectivité sur le monde parfois plus feinte que réelle… Après tout, lorsque deux humains se parlent ils utilisent une forme de communication assez directe, sans les artifices du journalisme traditionnel où le « je » a pendant longtemps été totalement proscrit.
Je ne sais pas si cela vous intéresse réellement. Mais j’ai envie de tenter le coup. J’ai aussi le sentiment que je publierai plus régulièrement en écrivant ainsi.
J’ai envie d’écrire les articles d’économie que j’aimerais lire, en tant que lecteur, des articles avec un peu d’humain dedans, loin des pavés bourrés de jargon et pas toujours très clairs d’experts pourtant indiscutables qu’il faudrait lire en retenant son souffle. Le recours à l’émotion est souvent perçu comme un procédé assez grossier, mais si c’est fait avec bienveillance et honnêteté je suis persuadé que ça peut être un énorme vecteur de connaissances. Dans tous les cas, je pense que ça se tente !
Êtes-vous prêts à me suivre dans cette nouvelle aventure ? Passeur d’Éco vous appartient bien évidemment aussi, chers lecteurs – prétendre le contraire serait quelque peu égoïste… N’hésitez donc pas à vous manifester, que ce soit dans les commentaires, sur Twitter, sur Facebook ou par email. Vous avez l’embarras du choix !
À très bientôt sur Passeur d’Éco.
Que la science économique soit avec vous,
Olivier