Pourquoi l’homéopathie ne sera-t-elle déremboursée que dans deux ans ?

Selon toute vraisemblance, le gouvernement va annoncer demain une fin progressive au remboursement de l’homéopathie, sur deux ans.

Je vois de nombreux sceptiques ou rationalistes dire qu’ils ne « comprennent pas » cette décision : pourquoi attendre deux ans ? Ils pointent, à juste titre, tout ce que l’on pourrait faire avec cet argent économisé.

Pour un économiste, ou un chercheur en sciences humaines et sociales plus généralement, il est difficile d’être vraiment « surpris » par cette annonce.

Même si elle est inefficace, l’homéopathie reste très populaire auprès des français. Comme les APL – dont on a toutes les raisons de penser qu’elles font augmenter les prix des loyers, et profitent donc en fait aux… propriétaires. Comme les routes à 90 km/h – qui tuent davantage que les routes à 80 km/h.

Je ne prends ces exemples au hasard car à chaque fois, ils ont été l’objet de deux polémiques qui ont endommagé la popularité du gouvernement.

Un gouvernement, un élu, a un objectif : être réélu à la prochaine élection. TOUT, et c’est pas une erreur que de l’écrire en majuscule, doit être analysé à l’aune de ce qu’ils ont à gagner ou à perdre pour augmenter leurs chances d’être réélus.

Pour un gouvernement impopulaire, dont l’image est d’être fermé aux français et de gouverner pour les élites, le risque autour de l’homéopathie est évident.

S’ajoute à cela le jeu des élections municipales de 2021 : il faut peu de doutes que Colomb, maire de Lyon et proche de Macron, ait pesé de tout son poids pour éviter cette décision. Pourquoi ? Parce que Boiron a son siège à Lyon. C’est de l’emploi, c’est de l’influence, dans tous les cas, c’est un risque pour sa réélection.

Alors bien sûr, je n’ai pas de preuve définitive de ce que j’avance. Mais le rasoir d’Ockham nous porte à croire que l’explication la plus parcimonieuse doit être préférée.

Et quand il s’agit de politiques dont la carrière est (littéralement) toute entière bâtie sur une série de réélections, l’hypothèse la plus parcimonieuse est qu’ils prennent leurs décisions pour améliorer (ou ne pas trop réduire) leur probabilité d’être réélu au prochain cycle.

C’est sans doute pour des raisons électorales que cette décision a été prise.

(Et sur le fond, est-ce vraiment si dramatique que de décaler cette fin de deux années ? Aussi inefficace que soit l’homéopathie, le déremboursement va sans doute contraindre Boiron à licencier. Or, on sait que le chômage augmente le taux de suicide, le taux de dépression, a des conséquences psychologiques lourdes et durables. Pour combien de patients sauvés faudra-t-il mettre des gens au chômage ? Ça n’est pas parce qu’ils travaillent pour Boiron que ces gens sont forcément en faute. Tout ça pour dire que donner deux ans à Boiron, c’est peut-être aussi un moyen de préparer la réinsertion de ces salariés qui vont perdre leur emploi à cause de cette décision.)

MàJ : j’ai oublié de préciser que même si décalée de deux ans, cette décision reste une victoire pour les tenants de la méthode scientifique. Acceptons aussi que gagner à 95%, ça n’est certes pas 100%, mais c’est mieux que 0% – surtout quand des politiques sont impliqués…