Néolibéralisme, où es-tu ?

Néolibéralisme, où es-tu ?

Nous serions actuellement sous le joug d’une « domination néolibérale ». Pourquoi pas. Mais quand on demande à ceux qui utilisent ce terme ce qu’il signifie, obtenir une réponse est souvent bien difficile…


C’est une nouvelle rubrique que cet article ouvre, à la frontière entre économie et zététique (ou critical thinking en anglais). L’idée est d’essayer de creuser ce concept de « néolibéralisme » que certains usent fréquemment, pour essayer d’en trouver une définition.

Pour ce premier article, je vais vous raconter un petit échange sur Twitter avec le Groupe Jean-Pierre Vernant, qui se présente comme un collectif de « 59 universitaires proches de la Gauche de gouvernement« .

Qui sont-ils ?

Voici la description trouvée sur leur site Internet le 5 mars 2017 (copie PDF) :

Le groupe Jean-Pierre Vernant réunit 59 universitaires proches de la gauche de gouvernement, et exerçant les fonctions de Biatss, d’enseignant-chercheurs et de chercheurs dans les universités Paris 1 Panthéon Sorbonne, Paris 2 Panthéon Assas, Paris 3 Sorbonne Nouvelle, Paris 5 Paris Descartes, Paris 7 Denis Diderot, Paris 8 Vincennes Saint-Denis, Paris 10 Nanterre, Paris 12 Paris-Est Créteil, Paris 13 Nord et Paris-Est Marne-la-Vallée.

Je ne vais pas épiloguer sur cette description, même si je note qu’à titre personnel, l’absence de noms dans cette présentation me pose problème – car cela viole l’esprit de la communauté universitaire. Mais après tout, le fait que ça me pose un problème ne regarde que moi.

Emmanuel Macron et François Fillon, candidats « néolibéraux » ?

Tout commence avec ce tweet, qui est apparu sur ma timeline suite à un retweet de l’un de mes contacts :

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Je ne suis pas très intéressé par l’analyse qui est faite du sondage, mais plutôt par l’usage de ce terme de « néolibéral » (appliqué donc aussi bien à Emmanuel Macron qu’à François Fillon). Je me dis, 59 universitaires, je pense que mon doctorat qui s’achève fait que je le suis aussi un peu moi-même, on devrait bien pouvoir discuter un peu ! Alors je pose cette question :

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Et voici la réponse que j’obtiens :

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Donc à la question « qu’est-ce qu’un candidat néolibéral ?« , la réponse que l’on me fait est « c’est un candidat qui va appliquer le dogme néolibéral« . Je trouve cette réponse tautologique, en tout cas elle ne me satisfait pas. N’ayant également aucune idée de ce que sont les « lobbies gestionnaires« , je reviens à la charge en expliquant un peu ma démarche (considérant que je devais bien cela à mon interlocuteur), et en notant que l’usage de l’expression « porté par les lobbies » me fait un peu penser à une théorie du complot :

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Vous vous ferez bien évidemment votre propre avis, mais pour ma part, je pense avoir été cordial et respectueux. Les réponses que je vais obtenir seront… étonnantes…

Ça commence à mal tourner

Sauf erreur de ma part (Twitter n’est pas idéal pour remettre dans l’ordre les conversations), la première réponse que je reçois est celle-ci :

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D’abord, une remarque sur la forme : l’usage des majuscules équivalant à crier sur Internet, j’ai l’impression que mon interlocuteur commence à perdre patience. Puis, sur le fond : s’il y a tant de références que ça, pourquoi ne pas m’en donner quelques unes ? Là, on me jette au visage (et sans aucune démonstration) que je n’avais qu’à mieux chercher. OK, mais où ? Or, pas un mot !

Mais ça n’est pas le seul problème.

Car outre le ton (à mon avis inapproprié) et le fait de me laisser le bec dans l’eau, je pense que cette réponse est hors-sujet. Car je ne dis pas que je n’ai pas trouvé de « textes et de livres entiers sur le sujet« . Je dis que je n’ai pas trouvé de définition. Il suffit de lire les mots que je viens d’écrire pour se rendre compte que « des textes […] sur let sujet » et « une définition« , ça n’est pas la même chose. Le fait qu’il existe une littérature sur un certain sujet ne démontre pas de manière automatique qu’il existe au sein de cette littérature une définition précise et consensuelle de ce même sujet. Donc à part m’agresser de manière un peu gratuite, j’ai du mal à saisir quel est l’objectif de ce tweet1.

Ça vire carrément à l’agression

La seconde réponse que je reçois est, elle, carrément une aggression :

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Allons-y étape par étape. « À ce niveau« , c’est-à-dire ? Celui de ne pas avoir lu les milliards de référence que j’aurais précédemment dû lire avant d’oser poser cette question ? Le point étant assez peu clair, il faut aussi interpréter, mais si ma démarche de questionnement est disqualifiée pour la simple raison que je n’ai pas lu les références (que l’on ne me donne pas), alors c’est un argumentum ad nauseam (donc, un sophisme).

« On image que vous ne lisez pas d’articles ou de livres« . Ah ? Et « on » imagine ça sur la base de… ? Parce que je dis que je n’ai pas trouvé de définition de « néolibéralisme » qui me satisfait, cela implique donc que je ne lis ni articles, ni livres ? Outre le fait que je ne vois pas le rapport, c’est surtout une excellente nouvelle pour M. Mendeley, qui va être content d’apprendre que tous les PDF que je synchronise grâce à lui sont en fait des mirages !2

Donc bref, mon interlocuteur juge manifestement que me donner des références d’articles ou de livres serait inutile (?), alors il me propose un lien vers une série de tweets. Je n’entre pas dans les détails, mais dans cette série de tweets j’ai repéré six définitions différentes du « néolibéralisme » :

Juste pour rappel : une définition doit être concise, de sorte à fixer des limites claires et précises de ce dont on parle. Or six tweets, reprenant chacun des éléments différents, ça n’est pas exactement ce que j’appellerai de « la concision ». Pour cette raison, j’ai du mal à considérer ce qui m’est proposé comme étant une définition.

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Je me suis également permis de faire remarquer à la personne en face de moi que son dernier tweet était quelque peu irrespectueux.

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Et je termine par ceci, qui résume bien mon état d’esprit :

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Agression, acte 2, et fin

La seule réponse que je reçois à mes remarques est la suivante :

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Pour rappel, et en faisant l’impasse sur le manque de respect répété : je demande une définition d’un terme que cette personne a utilisé (« néolibéral« )3. Elle me répond par une série de tweets qui contiennent six définitions différentes, ce qui, par définition, ne peut pas être une définition (point Inception obtenu !). Et quand je lui fais remarquer que six définitions différentes ne peuvent pas être une définition, on me rétorque que je suis « un âne« . J’ai juste envie de conclure : voilà… Ou bravo… Ou encore :

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Et comme je posais manifestement trop de questions, plutôt que d’essayer d’y répondre, j’ai donc fini par… être bloqué ! Il faut dire qu’après la condescendance, l’arrogance, le manque de respect et les insultes, terminer avec un peu de courage me paraît finalement assez cohérent.

Pour ma part, je ferai deux observations. La première est que pour un « groupe d’universitaires », refuser de manière aussi virulente le débat (voire même le questionnement, vu qu’on ne m’a toujours pas répondu…), cela pose question quant à leur éthique professionnelle. Car l’université est par essence un lieu de débat. Or ici, il n’y en a eu aucun. Seulement des insultes. La seconde est que je ne saurai probablement jamais ce qu’est le « dogme néolibéral« . Heureusement, je pense (et j’espère) que je survivrai.

Pourquoi n’ai-je pas obtenu de réponse ?

Le fait de ne pas répondre à mes questions pose évidemment la question de pourquoi je n’ai pas obtenu de réponse.

Contrairement à ce qui a été délicatement suggéré par mon interlocuteur durant nos « échanges », j’ai lu des choses sur le « néolibéralisme« . Ça n’était pas hier, j’en conviens (quand j’étais au lycée, principalement), mais l’impression que j’en avais gardé est qu’il s’agit d’un mot fourre-tout, dans lequel on met un peu tout et n’importe quoi – et qui fait vendre. Et ce que je viens de voir n’est pas de nature à me rassurer.

Je suspecte4 que la stratégie d’évitement dans laquelle s’est enferré mon interlocuteur avait pour but de masquer qu’il (ou elle) n’avait pas de définition à me fournir – peut-être parce qu’il n’en existe aucune ? C’est en tout cas l’avis de Thibault, qui a également participé à cet échange :

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Je ne suis pas loin d’être d’accord avec lui – mais cette série d’articles sera là pour le prouver, ou l’infirmer. Car contrairement à ce qu’a prétendu le Groupe Jean-Pierre Vernant, je suis peut-être un âne, mais ma soif n’a toujours pas été étanchée !

  1. À moins qu’il ne s’agisse d’un subtil argument d’autorité ? On n’est pas très loin d’imaginer que la personne ayant rédigé ce tweet a, elle, lu tous ces documents (et moi non), et que donc je devrais me taire puisque je ne les ai pas lu. Je conviens qu’il s’agit d’une interprétation, mais je pense qu’elle paraît loin d’être invraisemblable. Si c’était avéré, alors on serait face à un sophisme.
  2. Mendeley est un logiciel qui permet de stocker et d’organiser des publications scientifiques, pour lecture et commentaire. Mendeley offre un service de synchronisation, c’est à ce service auquel je fais référence.
  3. Puisque c’est elle qui a avancé qu’Emmanuel Macron et François Fillon étaient des « néo-libéraux », c’est elle qui doit le prouver. En d’autres termes, c’est à celui qui avance un argument que revient la charge de la preuve de cet argument. Car qui est avancé sans preuves peut être réfuté sans preuves.
  4. Dans le sens où il s’agit d’une hypothèse que je forme.