Les sciences humaines et sociales sont *aussi* des sciences

Il flotte dans l’air l’idée que les sciences humaines et sociales (SHS) seraient « molles », là où les sciences naturelles seraient « dures ». Entendez par là que les sciences naturelles seraient « plus scientifiques » que les SHS.

Je pense que c’est un argument caricatural au possible, et pour l’illustrer, je vous propose une série de tweets (en anglais) de Zak Taylor, qui après avoir fait de la recherche en physique des particules est désormais professeur de politiques publiques au Georgia Institute of Technology à Atlanta aux États-Unis.

Bien que traitant de la science politique (américaine, qui me paraît assez différente de la science politique française), ces tweets sont très proches de ce que je pense de tout ça. Je trouve notamment très intéressante l’idée que les physiciens ayant des laboratoires qui isolent très bien les effets qu’ils veulent mesurer, ils en oublient parfois que tout le monde n’a pas ce luxe et que réduire une science à sa capacité à mener des expériences contrôlées est un peu court1Il ne s’agit pas d’une « attaque » contre les physiciens. Je dis seulement qu’utiliser la physique comme point de référence de ce que serait une « vraie » science, pour aussi commode qu’il paraisse, ne fait sans doute pas grand sens d’un point de vue épistémologique, et mériterait d’être solidement justifié..

Les SHS (en tout cas l’économie et, ici, la science politique US) n’ayant pas le luxe des physiciens, cela oblige à s’interroger sans cesse à la fois sur les données, et sur les méthodes pour les traiter. La question de fond étant : sommes-nous réellement en train d’établir une causalité ici ? Ou pas du tout ?

Pour finir et avant de vous laisser lire les tweets de Zak, une dernière remarque : je suis parfois (souvent ?) très énervé lorsque j’entends certains spécialistes de sciences naturelles parler d’économie, ou de sujets de société, parfois en plus avec un ton condescendant. Ça arrive assez régulièrement, indication qu’il y a sans doute là quelques chose de plus profond à l’œuvre. Ce « quelque chose », me semble-t-il, en plus d’être une forme d’arrogance conjuguée à un Dunning-Kruger (avoir lu trois livres de Gaël Giraud ne fait pas de vous un spécialiste de la science économique 🤔), c’est peut-être justement ce manque de prudence qui consiste à calquer sur des disciplines très différentes le modèle de la physique.

Ce type de discours n’est sans doute pas le plus grand danger fallacieux confrontée par la science économique, mais il est bien réel, loin d’être inexistant, et pour toutes ces raisons je pense qu’il faut s’en méfier.

Voici enfin les tweets de Zak :