Le salaire minimum augmente-il le chômage ?
La prédiction théorique est claire : en augmentant « artificiellement » (c’est-à-dire sans que la hausse ne soit due à des effets de marché) le prix du travail pour les personnes les moins qualifiées, le salaire minimum est sensé réduire l’emploi global.
La prédiction est claire, mais il se pourrait que le modèle qui la forme soit une représentation trop simple de la réalité.
Plusieurs estimations empiriques au cours des dernières décennies ont montré que l’effet net du salaire minimum sur l’emploi n’est pas aussi évident que le prédit la théorie. Un nouvel article, à venir dans le Quarterly Journal of Economics, démontre une fois encore (sur données américaines1Aux États-Unis, ce sont les États qui décident d’un éventuel salaire minimum, et de son montant, pas le gouvernement fédéral. Cela permet donc de faire des comparaisons entre les États qui instaurent un salaire minimum et ceux qui ne le font pas. Cela permet également d’isoler l’effet d’une hausse ou d’une baisse si un État décide de modifier le montant du salaire minimum.) qu’un salaire minimum n’a semble-t-il pas d’effet sur le niveau d’emploi. Par contre, il augmente le revenu des personnes payées au minimum.
Une explication possible est que les firmes seraient en position de monopsone (l’inverse d’un monopole) : les gens peu qualifiés étant généralement peu mobiles géographiquement, ils sont « captifs » du marché du travail local. Les firmes qui y existent peuvent donc en profiter pour leur offrir des salaires artificiellement faibles. Le salaire minimum permet alors de rééquilibrer le partage du surplus de la firme vers l’employé, en effaçant tout ou partie de ce pouvoir de monopsone.
Cela étant, attention à ne pas généraliser ce résultat : il ne dit pas qu’en tout temps et partout dans le monde, le salaire minimum n’a pas d’effets sur l’emploi. La prédiction du modèle théorique est peut-être correcte pour certains pays, car les marches du travail peuvent avoir des caractéristiques très variables d’un pays à l’autre : législation, assurance-chômage, mobilité géographique, modes de recrutement, etc.
C’est en tout cas un résultat intéressant, qui appelle sans doute à d’autres recherches à mener dans d’autres pays.
Pleased to announce that our paper quantifying the overall effect of US minimum wages on low-wage jobs is now forthcoming at the Quarterly Journal of Economics.
Here's the current version: https://t.co/noG5yZHsQG pic.twitter.com/UnZlAFlFSv
— Arindrajit Dube (@arindube) April 8, 2019