Inégalités mondiales et objectivité des chiffres
Le monde est-il de plus inégalitaire ou de plus en plus égalitaire ? Avant d’aller au cœur du sujet, commençons par un petit sondage :
Cette question, en apparence simple, recouvre en fait une réalité bien complexe. Par exemple : c’est quoi, en vrai, une inégalité ? Est-ce que l’on parle des inégalités de revenu (ce qu’on gagne tous les mois) ? De patrimoine (l’épargne, la valeur des biens qu’on a accumulé) ? Et pourquoi ne pas regarder autre chose encore, comme le niveau de vie ou les capabilités (que l’on peut très grossièrement voir comme l’égalité des chances réelle) ? Il n’y a pas de bonne réponse à toutes ces questions. Tous ces aspects (et encore d’autres) font partie des inégalités. En fonction de ce que l’on souhaite étudier ou mieux comprendre, on regardera tel ou tel aspect. Mais étudier une dimension de la question ne signifie pas que les autres n’existent pas – ou n’ont pas d’importance.
Par ailleurs, pour réduire le risque de contresens, il est important de toujours éclairer sa réflexion à l’aide de données. Et là entre en scène un cliché que j’entends souvent à propos de l’économie : comme quoi cette dernière serait à « base de chiffres » et que ceux-ci seraient « objectifs ». Sauf que…
D’abord, l’économie n’est pas « à base de chiffres ». Il ne s’agit pas d’une énorme machine de laquelle sortiraient des données. C’est plutôt un type finalement assez mal connu d’organisme « vivant » en perpétuelle évolution, et en interaction avec son environnement. Je reviendrai sur ces métaphores dans un prochain article.
Ensuite et surtout, quand bien même l’économie ne consisterait qu’en des chiffres, dire que ceux-ci sont objectifs est aussi réducteur que dangereux.
Réducteur : un chiffre n’a pas d’existence intrinsèque. Il a besoin d’être interprété. Pour faire cette interprétation, que nous faut-il ? De la théorie bien sûr ! Pour le dire autrement, l’un des usages de la théorie est celui d’une sorte de boussole, pour nous dire où regarder – quels chiffres étudier parmi tous ceux qui sont virtuellement disponibles. Sans boussole, impossible de savoir que l’on est au nord – et encore plus impossible de savoir que l’on se rapproche (ou pas) de notre destination.
Dangereux : comme le montre l’exemple des inégalités, la réalité est souvent complexe. En fonction de son intérêt, on peut vouloir mettre en avant tel chiffre ou tel autre. C’est un peu le reproche que l’on peut faire à cette étude d’Oxfam, qui bien que sans être fausse ne s’intéresse qu’à une seule dimension du problème.
Alors une question : comment se protéger de ces possibles manipulations ? Comme toujours : avec de l’esprit critique. Et en multipliant les sources. C’est ce que l’on a essayé de faire dans l’épisode qui vous attend : étudier la même question de l’éventuelle progression des inégalités dans le monde sous deux angles différents. Et on voit bien qu’avec deux angles seulement (on aurait pu en prendre bien davantage), répondre à cette question n’est déjà plus aussi simple…
Assez parlé : bon visionnage du nouvel épisode de Stupid Economics !
[accordion] [pane title= »Remerciements » start=open]- Julien Grandjean (relecture)