Fin de parcours pour l'Hyperloop toulousain
L'Hyperloop est une technologie de vactrain, un transport terrestre supposément révolutionnaire. Plutôt que de faire circuler un train sur des rails, le principe d'un vactrain consiste à faire circuler un train à sustentation magnétique dans un tube à vide. Le tube à vide permet de supprimer la friction de l'air, et au moins en théorie, d'atteindre des vitesses beaucoup plus importantes qu'un train à sustentation magnétique classique.
Hyperloop est un modèle de vactrain proposé par Musk, à l'origine pour la Californie — qui construit à grand frais une ligne à grande vitesse entre San Francisco et Los Angeles, une ligne controversée sur laquelle je compte écrire dans UrbAN (anciennement Cities 2100). D'après le livre de 2022 Road to Nowhere (que je n'ai pas lu), Musk aurait proposé l'Hyperloop non pas pour effectivement construire un vactrain, mais pour tuer la LGV californienne.
Dans un cas comme dans l'autre, aucun vactrain n'a pour le moment jamais été construit. Je ne suis même pas sûr qu'un prototype fonctionnel ait jamais existé. Il s'agit d'une technologie hautement spéculative, qu'il ne sera sans doute pas possible de concrétiser avant plusieurs décennies au moins — s'il est possible de la concrétiser un jour.
Néanmoins, les technologies de mobilité supposément de rupture sont un puissant appât pour les élus. En 2017, Toulouse avait ainsi accueilli une antenne d'Hyperloop, en lui fournissant des aides publiques.
Six ans plus tard, il n'y a toujours pas d'Hyperloop à Toulouse. Pire, le projet toulousain vient d'être passé par pertes et profits.
Pour quiconque qui, comme moi, suit un peu sérieusement l'évolution des mobilités, cette issue n'est pas une surprise. Je ne suis pas opposé à l'innovation technologique, bien au contraire. Mais les technologies de mobilités supposément de rupture qui ont (souvent rapidement) fini au cimetière sont nombreuses. Aérotrain. Transports hectométriques dans les années 1970 et 1980. Tramways sur pneumatiques (en tant que nancéien, je suis bien placé pour témoigner des limites de cette technologie…). Et ainsi de suite.
Il y aurait beaucoup à écrire sur pourquoi il est difficile de mettre au point des technologies de rupture viables dans les mobilités. Je vais me contenter ici d'utiliser cette péripétie toulousaine pour illustrer comment des politiques publiques "naïves" de soutien à l'innovation technologique peuvent desservir la lutte contre le réchauffement climatique.
Si on parvient à les concrétiser, les vactrains pourront remplacer l'avion, au moins en partie. Vu qu'un train à sustentation magnétique fonctionne à l'électricité, le bilan carbone d'un kilomètre parcouru en vactrain sera en toute hypothèse largement plus faible que le bilan carbone d'un kilomètre parcouru en avion. Mais. La technologie n'existe pas. Et si elle devait exister un jour, ça ne sera probablement pas avant plusieurs décennies. Or, le réchauffement climatique demande que l'on agisse dès aujourd'hui. Plutôt que mettre en place des politiques publiques de lutte contre le réchauffement climatique qui parient sur des technologies de rupture risquées, il me semble préférable de construire des politiques publiques qui reposent sur les technologies déjà disponibles — et leurs évolutions incrémentales.
On peut vouloir continuer à financer la recherche sur des technologies de rupture spéculatives comme le vactrain. Mais il ne faut pas confondre ce type de politiques publiques, avec les politiques publiques qui auront un effet immédiat, ou au moins rapide, sur la lutte contre le réchauffement climatique.