L'Empire galactique a-t-il les moyens de construire l'Étoile de la mort ?
Dans l’univers de Star Wars, l’Étoile de la mort est un instrument essentiel de la stratégie de l’Empire galactique. Mais ce dernier a-t-il les moyens de construire un tel objet ?
Pour répondre à cette question, il va falloir la décomposer en deux sous-questions :
- combien coûte l’Étoile de la mort ?
- l’économie de l’Empire galactique est-elle suffisamment robuste pour financer l’Étoile de la mort ?
Dans un geste que ne renierait pas Roland Lehoucq (voir encadré ci-après), les estimations du coût de l’Étoile de la mort et de la robutesse économique de l’Empire impliquent de récolter des informations sur l’univers Star Wars, notamment à partir des films (mais pas uniquement).
De manière générale, plutôt que de m’interroger sur le réalisme économique de l’Étoile de la mort, je vais plutôt supposer que puisqu’elle existe dans les films, c’est que l’Empire a les moyens de la construire. Je justifie cet angle par l’idée que l’économie galactique est possiblement très différente (et notamment plus productive) que l’économie terrienne de 2018, par exemple pour des raisons technologiques et/ou logistiques dont les effets sont pour l’instant difficiles à évaluer1Je pense en particulier à la possibilité de voyager à une vitesse supra-luminique, qui permet sans aucun doute une bien meilleure allocation géographique des ressources physiques comme « humaines » dans la galaxie..
À partir du coût de l’Étoile de la mort, je vais donc en déduire les caractéristiques de l’économie galactique sous l’Empire, et je ferai quelques comparaisons avec notre économie terrienne de 2018 pour avoir une idée de l’ampleur des différences entre cette économie et la nôtre.
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Roland Lehoucq et la physique des films
Roland Lehoucq est physicien au Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA). Il s’est fait une spécialité d’utiliser les films pour vulgariser la physique ; en particulier, à partir des images il essaie d’en inférer la vraisemblance scientifique de ce qui est montré, principalement pour expliquer à son audience comment raisonnent les physiciens.
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Avant tout, un gigantesque vaisseau spatial
Avant d’être une super-arme capable de détruire des planètes entières, l’Étoile de la mort est avant tout un gigantesque vaisseau spatial. La première question à se poser est donc : combien coûte la construction de la « coque » de l’Étoile de la mort ? Pour répondre à cette question, je vais utiliser une méthode similaire à celle du blog Centives, qui a procédé à une estimation du coût de l’Étoile de la mort en 2012.
Leur méthode est simple : ils estiment la quantité d’acier nécessaire à la construction de la coque, et ils multiplient cette quantité par le prix de l’acier. Ici, la clé est de trouver un moyen d’estimer la quantité d’acier. Leur hypothèse est qu’un vaisseau comme l’Étoile de la mort n’est pas fondamentalement différent d’un… porte-avions « moderne ». Ils calculent donc la densité d’acier par mètre cube d’un porte-avions « moderne » (le HMS Illustrious de la Royal Navy, qui a depuis été retiré du service), et multiplient cette densité par le volume de l’Étoile de la mort.
Toutefois, leur calcul n’est pas très rigoureux car ils considèrent la masse maximale du bâteau ; or, ce qui nous intéresse est la masse de la coque seule. En outre, je n’ai pas réussi à retrouver les données qu’ils citent dans leur article. Pour cette raison, j’ai donc refait les calculs. J’en ai profité pour prendre quatre porte-avions plutôt qu’un seul, car il se peut que le HMS Illustrious ne soit pas représentatif :
- le HMS Illustrious, porte-avions britannique retiré du service en 2011
- le Charles de Gaulle, le seul porte-avions nucléaire qui ne soit pas américain
- le USS Gerald R. Ford, que réceptionnera la Marine américaine dans les prochaines années
- le HMS Queen Elizabeth, porte-avions britannique également en construction
La partie la plus délicate a été d’estimer le volume de chacun des porte-avions. Tout d’abord parce que je n’ai trouvé aucune données à ce sujet ; surtout, parce qu’il a fallu faire un certain nombre d’hypothèses lorsque j’ai fait mes propres calculs. J’ai procédé de la manière suivante :
- j’ai pris la longueur
- j’ai pris la largeur maximale du bâteau (typiquement, la largeur maximale du pont d’envol)
- pour la hauteur, j’ai pris le tirant d’eau (partie sous l’eau) auquel j’ai ajouté le tireau d’air (partie aérienne), et j’ai retenu 40% de cette somme
- Pourquoi 40% ? En général, le tirant d’air intègre la hauteur de l’îlot (la « tour de contrôle »). Or, cet îlot compte pour très peu dans le poids total de la coque2Pour le USS Gerald R. Ford, l’ilôt pèse environ 500 tonnes alors que le poids total du bateau est de 100.000 tonnes.. Et il m’a semblé que cet îlot représentait en général un peu plus de la moitié de la hauteur totale du bâtiment
- enfin, les coques n’étant généralement pas des pavés mais des genre de « prismes », j’ai divisé le volume obtenu avec les trois précédentes données par deux
Bien évidemment, il s’agit d’approximations. Mais mes calculs me semblent plus rigoureux que ceux de Centives, que je n’ai d’ailleurs pas conservé.
Illustrious3Source | Charles de Gaulle4Source | Gerald R. Ford5Source | Queen Elizabeth6Source | |
Volume (en m3) | 72.2507Longueur : 193 mètres. Largeur : 36 mètres. Hauteur : (46+6)*0,4 = 20,8 mètres. | 250.5608Longueur : 261 mètres. Largeur : 64 mètres. Hauteur : (8,5+66,5)*0,4 = 30 mètres. | 455.7709Longueur : 332 mètres. Largeur : 78 mètres. Hauteur : (12+76)*0,4 = 35,2 mètres. | 153.97210Longueur : 282 mètres. Largeur : 42 mètres. Hauteur : (9+56)/0,4 = 26 mètres. |
Masse (en tonnes) | 10.000 | 37.00011La quantité réelle d’acier est probablement inférieure, mais je n’ai pas de données à ce sujet. | 88.00012Comme je n’ai trouvé que des chiffres à pleine capacité, j’ai utilisé le même ratio que l’écart du Charles de Gaulle entre sa masse à vide et sa masse maximale (soit 88%). J’ai pris le Charles de Gaulle car il s’agit aussi d’un porte-avions nucléaire, on peut donc supposer qu’ils ont des caractéristiques globales similaires (notamment sur l’absence de besoin d’emporter du carburant et les modifications structurelles liées au cours à une chaufferie nucléaire). Et j’ai pris une masse maximale de 100.000 tonnes. | 58.00013J’ai là aussi dû faire une hypothèse sur la masse à vide du bâtiment, n’ayant pas trouvé de données. J’ai également appliqué le ratio du Charles du Gaulle, mais je pense que la masse à vide réelle est nettement inférieure. Disons que 58.000 tonnes est une estimation haute. |
Tonne d’acier par m3 | 0,1384 | 0,1476 | 0,1931 | 0,3767 |
Selon le type de porte-avions, on voit qu’il faut entre 0,14 et 0,4 tonnes d’acier par m3, sachant que la densité du HMS Queen Elizabeth est très certainement sur-estimée14Les nouvelles générations de porte-avions sont davantage blindées que les anciennes, mais de là à multiplier la densité par trois, cela me paraît excessif.. Comme le USS Gerald R. Ford est le porte-avions le plus avancé et le plus lourd de cette liste, je vais m’aligner sur sa densité et supposer que l’Étoile de la mort requiert elle aussi 0,2 tonne d’acier par m3.
Maintenant que l’on dispose de la densité d’acier, on peut s’attaquer au calcul du volume de l’Étoile de la mort. Selon différentes sources, celle-ci ferait entre 100 et 160 kilomètres de diamètre. L’écart semble peu important, mais le volume étant en trois dimensions, lorsque le diamètre augmente, l’augmentation du volume est plus que proportionnelle.
Diamètre | 100 km | 120 km | 160 km |
Volume (km3) | 523.598.775.598 | 904.778.684.234 | 2.144.660.584.851 |
Quantité d’acier (tonnes) | 104.719.755.119.660 | 180.955.736.846.772 | 428.932.116.970.126 |
Avec l’Étoile de la mort, les ordres de grandeur sont d’une toute autre échelle que pour les porte-avions. Pour un diamètre de 160 kilomètres, il faudrait ainsi… 429.000 milliards de tonnes d’acier ! On pourrait argumenter que notre intuition est un peu perdue, mais je ne suis pas certain que les données des porte-avions terrestres soient plus intuitives…
Dans tous les cas, puisque le chiffre de 160 kilomètres de diamètre est le plus récent car issu de Rogue One, et parce qu’il s’agit du chiffre le plus « défavorable » (celui qui aboutira au coût le plus élevé), je vais considérer que l’Étoile de la mort a nécessité l’usage de 430.000 milliards de tonnes d’acier pour sa construction.
Ce qui nous permet d’arriver à la dernière étape : combien tout cet acier a-t-il coûté ?
Intuitivement, pour répondre à cette question on serait tenté de taper « prix tonne acier » dans Google, et de prendre le premier chiffre qui sort. Mais c’est en réalité un peu plus compliqué…
Je n’entre pas trop dans les détails, mais il n’y a pas un prix unique de l’acier : selon le lieu où la transaction a lieu, la date et le type d’acier considéré, les prix peuvent grandement varier. C’est par exemple illustré par le graphique suivant (sur des données terriennes), où l’on voit que le prix d’une tonne d’acier peut varier significativement d’une année à l’autre, et d’une zone géographique à l’autre.
Du fait de ces variations, le coût de la coque de l’Étoile de la Mort est susceptible de varier grandement (à niveau de fonctionnalités donné, c’est-à-dire sans modification des plans ni des choix d’équipement).
Prix de la tonne d’acier | 420$ | 550$ | 650$ |
Coût de la coque (en milliards de dollars) | 180.600.000 | 236.500.000 | 279.500.000 |
Avant de continuer, vous avez bien lu : le coût de la coque est bien compris entre 180 millions de milliards et 280 millions de milliards de dollars !
Si l’on revient aux variations du prix de l’acier, selon le talent de ses économistes l’Empire15Qui ne peuvent, par définition, qu’être du côté de l’Empire ! peut toutefois mettre en place une stratégie d’optimisation financière pour se couvrir contre ces variations. Je vais cependant encore adopter une démarche conservatrice en disant que les économistes de l’Empire ne sont pas très doués, et pour cette raison ce dernier arrive difficilement à se couvrir face aux variations du prix de l’acier. Pour cette raison, la coque lui coûte 250 millions de milliards de dollars.
Mais 250 millions de milliards de dollars, à quoi cela correspond-t-il exactement ?
Pour vous donner une idée, en 2016 il a été produit sur toute la Terre 75.000 milliards de dollars de richesse (c’est le PIB mondial). Pour acheter la coque de l’Étoile de la mort, il faudrait donc que tous les terriens travaillent pendant 3.333 ans, et que le fruit de ces 3.333 années de travail soit exclusivement dédié à l’achat de la coque !
D’ailleurs, je vais en profiter pour changer d’unité : plutôt que compter en millions de milliards de dollars, je vais plutôt compter en PIB terrestre de 2016. Je vais dire que 75.000 milliards de dollars valent désormais 1 [latex]\tau[/latex]16Il s’agit de la lettre grecque « tau » minuscule.. Dans cette nouvelle unité, les 250 millions de milliards de dollars que coûtent la coque de l’Étoile de la mort équivalent donc 3333 [latex]\tau[/latex]17Cela se lit « 3333 tau ».. L’Étoile de la mort est donc un vaisseau spatial quelque peu dispendieux !
Une fois que la coque a été construite, l’aventure ne s’arrête pas là : il faut également équiper le vaisseau.
Toutefois, j’ai eu des difficultés à trouver des données claires sur le coût d’équipement d’un porte-avions. Je vais donc aller assez vite sur ce point, et supposer que pour un dollar dépensé en acier, il faut dépenser un dollar en équipements. Cela double donc le coût de l’Étoile de la mort, qui passe à 6666 [latex]\tau[/latex]. Qu’avez-vous prévu de faire au cours des 6.666 prochaines années ?
L’Étoile de la mort au quotidien
Une fois que l’Étoile de la mort a été construite, il faut prendre en compte ce que coûte son exploitation quotidienne coûte – car oui, faire tourner une telle machine de guerre n’est pas gratuit !
Le fournisseur d’électricité britannique OVO Energy a réalisé une estimation du coût quotidien de l’Étoile de la mort. Mais leur chiffre est tellement délirant qu’il implique qu’un jour de fonctionnement coûterait des milliards de fois plus cher que la construction de l’Étoile de la mort elle-même… C’est totalement irréaliste. En outre, leur estimation me pose un certain nombre de problèmes.
Tout d’abord, lorsqu’ils calculent le coût d’un saut en hyperespace ou d’un tir du laser, ils utilisent un prix du kW/h actuel18Ils ne disent d’ailleurs pas d’où vient le chiffre qu’ils utilisent…. Or, ça n’a aucun sens de faire ça car un monde dans lequel le voyage en hyper-espace est possible est presque par définition un monde où l’énergie est nettement moins coûteuse que le nôtre. Typiquement, l’Empire galactique est une civilisation du Type III de l’échelle de Kardachev, ce qui implique une capacité à extraire des quantités énormes d’énergie à un coût très faible.
Ensuite, si j’ai bien compris, leur estimation du coût journalier suppose que chaque jour, l’Étoile de la mort 1) fasse un saut en hyperespace 2) tire avec son laser à pleine capacité 3) le recharge. C’est à mon sens là aussi totalement irréaliste, car n’importe quel vaisseau de guerre ne recours pas en permanence à ses fonctionnalités les plus coûteuses. Par exemple, le Charles de Gaulle est capable d’assurer jusqu’à 100 vols par jour, mais uniquement pendant une semaine. Un autre exemple : lorsque les États-Unis ont envoyé 60 missiles sur la Syrie en avril 2017, cela a coûté 60 millions de dollars. Mais ça n’était « que » un seul tir : la flotte américaine autour de la Syrie n’envoie pas 60 missiles par jour, toute l’année.
Même s’il domine la galaxie, il y a donc fort à parier que l’Empire n’utilise pas l’Étoile de la mort n’importe comment, ne serait-ce que pour préserver un minimum son budget…
Enfin, un énorme oubli dans cette estimation concerne… les salaires : s’il y a deux millions de personnes qui travaillent au sein de l’Étoile de la mort, et que le salaire moyen d’un militaire américain est de 33,600$ par an, le personnel de l’Étoile de la mort coûte donc 67,2 milliards de dollars par an – probablement le double en réalité, si l’on prend en compte les charges sociales, l’assurance-maladie, etc. C’est assez étonnant qu’une estimation qui va jusqu’à étudier le coût du recyclage des déchets fasse l’impasse sur un tel poste de dépenses…
Alors comment faire pour estimer le coût de fonctionnement de l’Étoile de la mort ?
Une fois encore, nos porte-avions vont être bien utiles. Et notamment le second porte-avions français, dont la construction est toujours en débat : sa construction coûterait 3,5 milliards d’euros, et son fonctionnement 5 milliards d’euros sur 40 ans. Soit un coût de fonctionnement annuel équivalant à [latex]\frac{5}{40} \times \frac{1}{3,5} \times 100 = 3,57\%[/latex] du coût de construction.
Si on applique le même ratio à l’Étoile de la mort, on aurait alors un coût de fonctionnement de 247 [latex]\tau[/latex] par an – soit tout de même l’équivalent de 247 années de production terrestre !
Le défi de la conception
Pour finir, estimer le coût d’un tel engin nécessite d’identifier combien coûte sa conception. Sans aucun doute, les coûts de conception sont titanesques si l’on en juge par la taille et la complexité de l’engin. Le problème est que l’on a peu d’informations à ce sujet.
Dans Rogue One, on sait que Galen Erso est l’un des principaux concepteurs de l’Étoile de la Mort. Dans une scène du film, on le voit accompagné d’une équipe de six ingénieurs. Il est toutefois évident que sept personnes seules ne peuvent concevoir un tel objet.
Alors pour la dernière fois, je vais avoir recours aux porte-avions. Cette fois-ci, l’USS Gerald R. Ford : le coût total du porte-avions est de 14 milliards de dollars, à décomposer en 9 milliards de construction à proprement parler, et 5 milliards de conception. La conception du bateau a coûté l’équivalent de 55% de sa construction ; pour l’Étoile de la mort, cela implique des coûts de conception d’environ 3666 [latex]\tau[/latex].
Si on additionne le coût de conception et le coût de construction de l’Étoile de la mort, on a donc un coût total de
[latex display= »true »]6666 + 3666 = 10 332 \tau[/latex]
Soit l’équivalent de 10.332 années terrestre de production !
L’Empire a-t-il les moyens de ses folies ?
Maintenant que l’on connaît le coût de l’Étoile de la mort, on peut enfin s’interroger sur la capacité à l’Empire de la financer.
Comme je l’indiquais en introduction, puisqu’elle existe je vais considérer que l’Empire a effectivement les moyens de la construire et de l’opérer ; je vais plutôt me demander à quoi ressemble l’économie galactique à partir des données de l’Étoile de la mort.
Tout d’abord, quelques données démographiques. L’Empire a sous son contrôle environ 50 millions de mondes19Cela inclut 1 million de planètes, le reste étant constitué de colonies et protectorats. et il y a dans l’Empire environ 100.000 milliards d’habitants. En moyenne, chaque monde a donc une population de 2 milliards d’habitants, avec Coruscant dépassant les 1.000 milliards et Géonosis les 100 milliards – ce qui implique que de nombreux mondes soient peu peuplées, ce qui est cohérent avec des lieux comme Tatooine, Jedha ou Jakku. Pour rappel, il y a actuellement sur Terre environ 7,5 milliards d’habitants. Elle ferait vraisemblablement partie des planètes les plus peuplées de l’Empire.
Maintenant, retour à l’Étoile de la mort. Sa construction aura nécessité 19 ans : dans la chronologie « officielle » de l’univers Star Wars, la destruction de l’Étoile de la mort est considérée comme l’année 0 (ou BY, pour Bataille de Yavin). Il est donc aisé de remonter dans le temps pour savoir quand sa construction a débuté.
La première mention qui est en faite dans la saga cinématographique est dans l’Épisode II, au moment de la bataille de Géonosis qui a lieu en -22 BY. À ce stade il s’agit de plans, on peut donc raisonnablement supposer que la construction physique de l’Étoile de la mort n’a pas encore commencé.
Trois années plus tard, en -19 BY, l’Empereur Palpatine et Dark Vador lui font face alors que sa construction a débuté (dans La Revanche des Siths).
Et elle est testée pour la première fois dans Rogue One, quelques jours avant la bataille de Yavin – donc 19 ans plus tard.
Pour savoir si l’Empire a les moyens de se payer un tel engin, il faut donc diviser son coût par sa durée de construction : [latex]10 332 \tau / 19 = 544 \tau[/latex].
En faisant cela, on suppose d’ailleurs que l’Empire ne s’endette pas. S’il s’endettait (donc finançait l’Étoile de la mort par un emprunt), cela lui permettrait d’étaler le paiement des coûts sur une plus longue période que les seules 19 années de construction. Mais comme j’ai déjà supposé que ses économistes n’étaient pas très bons, je vais maintenir cette hypothèse et dire qu’il n’a pas recours à l’emprunt.
Chaque année, il faudrait donc la production de 544 Terres de 2016 pour financer la construction de la station. Or, quand on sait qu’il y a 50 millions de mondes, cela équivaut à un coût par monde de… moins d’un milliard de dollars par an — 816 millions de dollars exactement. Cela paraît très raisonnable. J’en veux pour preuve que si l’on divise ces 816 millions de dollars par le nombre d’habitants moyen par monde, on obtient un coût annuel moyen par habitant de 41 centimes (hors coûts de fonctionnement).
Même si l’Étoile de la mort est un engin outrageusement dispendieux, la taille de la galaxie où elle se meut est telle que son existence est économiquement réaliste.
Pour finir, à quoi ressemble la richesse par habitant dans l’Empire galactique ?
D’après cet article (non publié), le Projet Manhattan a coûté environ 0,21% du PIB américain le temps de son élaboration – pour rappel, le Projet Manhattan a permis aux États-Unis de mettre au point l’arme nucléaire pendant la Seconde Guerre Mondiale. Si l’on assimile la construction de l’Étoile de la mort à celle de l’arme nucléaire, et si l’effort de construction de l’Étoile de la mort a demandé un investissement similaire au Projet Manhattan, cela implique que le PIB par habitant de l’Empire galactique est de… 195$. À titre de comparaison, en 2016 le PIB par habitant sur Terre était d’environ… 10.000$. Soit nettement plus que mon estimation pour l’Empire galactique.
Alors que penser de ce chiffre, en apparence très faible ? Il y a deux grandes possibilités :
- soit c’est la « bonne » valeur, et pour une planète comme Coruscant où le niveau de vie est clairement très élevé, de très nombreux autres mondes ont à peine de quoi survivre (un PIB par habitant de 195$ fait tomber en-dessous du niveau de pauvreté absolue)
- soit le PIB par habitant réel est plus élevé, et certaines hypothèses que j’ai faites au cours de mon estimation n’étaient pas les bonnes20Il est aussi possible que j’ai fait des erreurs de calcul, même si j’ai tout revérifié au moins une fois.
En particulier, je ne pense pas que l’Étoile de la mort puisse être considérée comme une arme équivalente à la bombe nucléaire : certes, son pouvoir de destruction est immense, et à n’en pas douter elle agit comme un élément de dissuasion important face à d’éventuelles rebelles. Mais pas contre tous. Et comme le montre les épisodes IV, V et VI, l’Empire et les Rebelles se livrent en réalité une guerre asymétrique – les Rebelles sont en énorme infériorité numérique. Il me paraît très probable que ces guerres soient en réalité bien moins coûteuses que le Projet Manhattan21Je ne doute par exemple pas que si la Rébellion n’avait pas été aidée par la Force (au travers de Luke), l’Empire l’aurait écrasé assez facilement..
Pour cette raison, je pense que la « vraie » donnée est probablement supérieure à 195$, sans pour autant être extraordinairement élevée : certaines hypothèses que j’ai faites sont trop restrictives, mais dans le même temps, il est répété à de nombreuses reprises dans les différents films que l’Empire n’a guère de scrupules à piller ou réduire en esclavage des planètes entières. Pour cette raison, un niveau de développement économique assez médiocre me semble réaliste. Typiquement, la ferme dans laquelle vit Luke Skywalker paraît bien spartiate.
Pour essayer de trancher de manière plus définitive entre l’un ou l’autre de ces possibilités, il faudrait toutefois faire d’autres travaux et comparer les résultats.
Pourquoi cette enquête ?
Nous arrivons au terme de cette enquête. Je vais en profiter pour vous expliquer quels étaient mes objectifs lorsque j’ai décidé de la rédiger : au-delà du fait de parler d’un univers de fiction que j’apprécie beaucoup (à défaut des épisodes 7 et 8…), c’est en fait un prétexte pour vulgariser un certain nombre d’idées.
Tout d’abord, je voulais montrer comment on peut s’y prendre pour faire des estimations : utiliser des parallèles, raisonner avec des proportions, ce genre de choses. L’idée est également de montrer que même si l’on doit faire des hypothèses, une estimation imparfaite est toujours préférable à pas d’estimation du tout – et les hypothèses seront certainement affinées à mesure que d’autres estimations seront produites. L’usage de [latex]\tau [/latex] était aussi un moyen de vous familiariser avec quelque chose de très courant en statistiques : les changements d’unité. Ils permettent de simplifier le raisonnement – ici, en évitant de travailler avec des chiffres trop énormes, et donc difficiles à mémoriser et susceptibles de conduire à des erreurs de calcul.
Ensuite, je voulais aborder un certain nombre de concepts comme le PIB par habitant, la richesse ou encore le PIB mondial, et en profiter pour vous transmettre quelques données sur notre monde. Et en le comparant avec celui de Star Wars, lui donner un peu de relief.
Enfin, cette enquête a surtout été l’occasion pour moi de mettre en évidence qu’il faut toujours être critique lorsque l’on nous présente une estimation chiffrée, notamment dans les médias : oui, un beau chiffre (si possible avec des chiffres après la virgule) fait sérieux et donne l’impression que l’on sait de quoi on parle. Mais je l’ai montré dans cet article, produire ce chiffre demande parfois (en réalité, souvent voire systématiquement) de faire des choix. Combien d’hypothèses ai-je posé ? Quels auraient été mes résultats si j’avais supposé ceci plutôt que cela ? Et ainsi de suite.
Lorsque l’on nous présente un chiffre, le diable est (toujours) dans les détails. C’est par exemple pour cette raison que j’ai refait le calcul de Thomas Piketty dans cet article, parce que Thomas Piketty est politisé et que je voulais faire mes propres hypothèses dans une logique de totale transparence.
Cela dit, il ne faut pas en conclure que les chiffres sont tous mensongers, et qu’il ne faut plus faire confiance à personne ; plutôt qu’il faut, comme toujours, être prudent.e lorsque l’on nous présente des chiffres, et creuser et s’interroger sur la manière dont ils ont été produits. C’est en particulier vrai si les chiffres sont très, trop précis : mes estimations sont ici des ordres de grandeur plutôt que des résultats à la précision atomique, et un chiffre trop précis ne serait-il pas un moyen, pour certains, de faire passer pour sérieuses des estimations en réalité fort grossières ?
Dans tous les cas, j’espère que vous avez apprécié cette enquête ! N’hésitez pas à réagir dans les commentaires si vous voyez une erreur, si vous n’êtes pas d’accord avec l’une de mes hypothèses ou si vous avez des questions.
Pour conclure, je vous propose cet extrait (en anglais) du film Clerks, où deux personnages s’interrogent sur le sort et les dimensions morales des travailleurs indépendants travaillant à la construction de l’Étoile de la mort.