#97 · Qu’est-ce que l’inflation ?
L'inflation est un phénomène économique qui consiste en l'augmentation générale des prix des biens et services
Chère abonnée, cher abonné,
Je suis de retour après une pause d’une dizaine de jours. Cette pause m’a fait le plus grand bien, je suis en pleine forme ! Merci à toutes et à tous pour votre soutien — et notamment les membres Plus qui, petit à petit, m’aident à construire la pérennité économique de L’Économiste Sceptique 🙂
Depuis que la guerre en Ukraine a débuté au mois de février, les économies européennes ont vu empirer un phénomène qui n’avait jusqu’ici pas posé de réel problème : l’inflation. Mais qu’est-ce que l’inflation exactement ? C’est à cette question que le numéro d’aujourd’hui va répondre.
L’inflation est un phénomène économique qui consiste en l’augmentation générale des prix des biens et services vendus dans une économie — une région, un pays, un groupe de pays comme l’Union Européenne, voire le monde entier. Cette augmentation des prix signifie qu’avec la même quantité de monnaie, il devient petit à petit possible d’acheter moins de biens et services. Du fait de l’inflation, le pouvoir d’achat diminue progressivement.
Prenons un exemple pour illustrer le phénomène. Supposons que nous avons 10 € — sous forme d’un billet, sur un compte bancaire, peu importe. Nous comptons utiliser ces 10 € pour acheter des bouteilles d’eau d’un litre — pensez à vous hydrater, c’est important ! Chaque bouteille vaut 1 €. Avec 10 €, il est possible d’acheter dix bouteilles. Cette année-là, le taux d’inflation est de 2 %. Si le prix de la bouteille augmente au même rythme que l’inflation, le prix augmente de 2 %. Il est désormais de 1.02 €. Avec le même billet de 10 €, il est désormais possible de n’acheter que neuf bouteilles — soit une de moins qu’auparavant. Le pouvoir d’achat de ces 10 € a baissé.
L’inflation, c’est donc ce phénomène d’augmentation générale des prix. C’est un phénomène de perte de valeur de la monnaie, ou de réduction du pouvoir d’achat.
L’inflation est en elle-même un phénomène économique normal : chaque année, il y a de l’inflation dans quasiment tous les pays du monde. L’inflation devient un problème lorsqu’elle atteint des niveaux élevés — ce qui est le cas en ce moment. Pour le moment, elle est par exemple de l’ordre de 5.6 % en France pour 2022.
Si l’on regarde le taux d’inflation mensuel depuis 2014, on voit que l’augmentation récente est une anomalie.
L’anomalie est encore plus notable si l’on regarde le taux d’inflation annuel depuis 1991. Avant 2022, il a généralement été de l’ordre de 2 % ou moins.
Un taux d’inflation de 5.6 % est anormalement élevé. Plus l’inflation est élevée, plus elle génère une perte élevée de pouvoir d’achat. Concrètement, avec le même salaire mensuel, il devient de plus en plus difficile d’acheter la même quantité de biens et services — comme la nourriture, le chauffage, l’électricité ou encore l’essence. On comprend bien pourquoi l’inflation est en ce moment un sujet de débat politique.
Comment mesure-t-on l’inflation ? Comment les données qui m’ont servi à faire ces deux graphiques ont-elles été collectées ?
Comme souvent dans les sciences (ici, humaines et sociales), il est possible de mesurer un même phénomène avec plusieurs indicateurs différents. Ils ne mesureront pas exactement la même chose. C’est le cas avec l’inflation. Ne soyez donc pas surpris si vous voyez plusieurs indicateurs différents qui mesurent le taux d’inflation.
Parce qu’il est le plus courant, je vais me contenter ici d’aborder l’IPC — pour Indice des Prix à la Consommation. Mesurer de manière crédible et rigoureuse l’IPC demande beaucoup de ressources. Il est nécessaire de mesurer l’évolution des prix d’un maximum de biens et services, et si possible à un rythme relativement fréquent, par exemple mensuel. Plus l’IPC sera mesuré fréquemment, plus les pouvoirs publics pourront réagir rapidement si, à un moment donné, l’inflation prend une trajectoire défavorable — comme c’est le cas en ce moment.
En France, c’est l’INSEE qui mesure l’IPC. Peut-être avez-vous déjà vu des personnes avec un ordinateur ou une tablette dans votre supermarché ; il s’agissait vraisemblablement de personnes travaillant pour l’INSEE venues faire un relevé des prix. L’INSEE ne mesure pas tous les prix en permanence sur tout le territoire ; une telle quantité de données aurait un coût de collecte démesuré, pour une précision gagnée peu évidente. La mesure de l’IPC repose sur une méthode d’échantillonnage — comme les sondages. L’enjeu est de trouver le « bon » équilibre entre un coût de collecte raisonnable des données et une précision suffisante des données collectées.
Une importante précision : l’IPC est une sorte de moyenne. Ça n’est pas parce que le taux d’inflation est de 2 % que tous les prix ont augmenté de 2 % ; certains ont augmenté davantage, d’autres moins. Pour d’autres encore, leurs prix peuvent même avoir baissé. Pour cette raison, un taux d’inflation élevé peut être dû soit à une augmentation du prix d’un nombre important de biens et services, soit à une augmentation très élevée du prix d’un nombre restreint de biens et services. Le dernier cas est par exemple ce qu’il se passe en Europe en ce moment : l’inflation a principalement pour cause une augmentation du prix de l’énergie. Elle a des causes différentes aux États-Unis.
Comme l’illustrent les deux graphiques plus haut, l’IPC peut se calculer avec une granularité temporelle différente : au mois, au trimestre, au semestre, ou encore à l’année. La granularité minimale est celle dictée par la méthode de collecte des données ; si l’INSEE collecte les prix une fois par mois, l’IPC ne pourra pas avoir une fréquence plus petite qu’une fréquence mensuelle. Par contre, il est possible de recalculer un IPC trimestriel, semestriel ou annuel à partir de l’IPC mensuel.
Enfin, chaque pays pouvant définir la méthode de calcul de son IPC de manière un peu différente, des initiatives existent pour harmoniser cette méthode afin de mesurer exactement la même chose. C’est par exemple le cas au niveau européen. Cela étant, même sans cette harmonisation, il me semble acceptable de faire des comparaisons internationales, au moins lorsqu’il s’agit de comparer les ordres de grandeur — ce qui est souvent suffisant.
Un dernier concept important que je veux évoquer dans le numéro d’aujourd’hui est celui de la déflation. La déflation, c’est l’inverse de l’inflation : c’est la baisse générale des prix. Techniquement, la déflation se mesure lorsque le taux d’inflation devient négatif pour une période suffisamment longue. Si le taux d’inflation mensuel est négatif pour un mois ou deux, ça n’est généralement pas assez long pour parler de déflation.
Il ne faut pas confondre la déflation avec la désinflation. La déflation, c’est lorsque le taux d’inflation est négatif au cours d’une période suffisamment longue — par exemple, lorsque le taux d’inflation est de -2 % chaque année pendant deux ans. La désinflation, c’est le ralentissement de l’inflation — par exemple, lorsque le taux d’inflation annuel passe de 4 % à 2 %. Lorsqu’il y a de la désinflation, il y a toujours de l’inflation, mais elle est moins élevée.
La déflation étant une baisse générale des prix, on serait tenté de penser que c’est une bonne chose : si l’inflation réduit le pouvoir d’achat, la déflation devrait l’augmenter. Non ? En réalité, la déflation est le signe que l’économie ne va pas bien. Une manière intuitive quoiqu’imprécise et largement incomplète d’expliquer le problème est de comparer l’inflation à un moteur qui s’échauffe lorsqu’il tourne ; ici, le moteur c’est l’économie, et l’échauffement, c’est la croissance économique. Avoir un niveau raisonnable d’inflation, par exemple 2 % par an, c’est le signe que le moteur tourne à un rythme durable. La déflation, c’est en un sens un signe que le moteur est en train de s’arrêter — ou a minima, qu’il est grippé. Toutefois, attention : je le redis, cette comparaison de l’inflation avec un moteur est imprécise et largement incomplète. Prenez-la comme une sorte d’illustration intuitive ; ne vous comportez pas comme un éditorialiste de plateau télé, ne l’utilisez pas pour faire un raisonnement économique 👀
Inflation comme déflation ont des causes multiples, et leurs causes ne sont d’ailleurs pas symétriques. Pour ce qui est de l’inflation, comprendre ses causes permet d’identifier s’il existe des politiques publiques que l’État peut mettre en œuvre pour la réduire si elle est trop importante — comme c’est le cas en ce moment. C'est ce que j'aborde dans un second numéro, que vous pouvez lire ici :
À bientôt pour le prochain numéro de L’Économiste Sceptique,
Olivier