#7 @fil · Un Parti républicain qui s’entredéchire
L’émeute du Capitole continue à empoisonner la vie politique américaine
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Second numéro du Fil, ma revue de presse de l’actualité politique américaine. Les numéros du Fil seront à terme payants, mais pour le moment, je vous les offre gratuitement.
Au programme du numéro de cette semaine, le Parti républicain s’entredéchire, Trump fait preuve de mansuétude à l’égard des émeutiers du Capitole et les sénateurs républicains et démocrates parviennent (pour une fois !) à se mettre d’accord.
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Bonne lecture !
Olivier
Le Parti républicain se déchire sur le 6 janvier
Le RNC (Republican National Committee, qui est l’instance nationale du Parti républicain) a récemment voté une motion de censure à l’encontre des deux représentants républicains Liz Cheney et Adam Kinzinger. Le reproche qui fonde cette censure ? Cheney et Kinzinger sont les deux seuls républicains à participer au comité d’enquête de la Chambre des représentants sur l’attaque du Capitole du 6 janvier 2021. Dans sa motion de censure, le RNC considère l’attaque du 6 janvier comme un “discours politique légitime”. Oui, vous avez bien lu : le Parti républicain considère officiellement que l’insurrection du 6 janvier est “légitime”. La dérive autoritaire du Parti républicain devient visible à l’œil nu.
Cheney et Kinzinger sont mis au ban par le Parti républicain car ils dénoncent cette insurrection pour ce qu’elle est — une insurrection. Donald Trump continue de minimiser la gravité de cette attaque sans précédent dans l’histoire américaine. Dévier de la ligne de l’ancien président est puni de plus en plus sévèrement par le reste du parti.
Cette motion de censure a été critiquée par de nombreux sénateurs républicains (voir ci-dessous), à la fois parce qu’elle légitime une insurrection et parce qu’elle attaque des membres du Parti républicain dans ce qui ressemble à une purge. Cette motion et les réactions qu’elle a provoqué illustre la coupure de plus en plus profonde entre l’aile centriste anti-Trump du parti, et l’aile pro-Trump d’extrême-droite. Pour le Parti républicain, le problème est que sans cette aile centriste, il aura du mal à remporter des élections. Comme l’ont déjà illustré le bouillon des midtermsde 2018, la défaite (rare pour un président sortant) de Trump en 2020 et la victoire à la Chambre comme au Sénat des démocrates en 2020 et 2021.
Mitch McConnell critique la motion de censure du RNC
La guerre interne du Parti républicain sur le 6 janvier continue à faire rage. Mitch McConnell, l’ancien président du Sénat et un personnage politique très important du Parti républicain, a rejoint le concert de critiques de la motion de censure visant Liz Cheney et Adam Kinzinger dont je parle au-dessus. Je ne sais pas trop quelle interprétation tirer de cette prise de parole de McConnell. C’est un stratège qui considère la victoire aux élections comme objectif majeur. D’un côté, sa déclaration ne fait que rajouter de la division à la division. De l’autre, il se dit peut-être que c’est la meilleure stratégie politique à jouer pour retrouver le contrôle du Sénat et de la Chambre à l’issue des midterms de novembre.
Du point de vue des démocrates, avoir l’organe national du Parti républicain déclarant officiellement l’insurrection du 6 janvier comme “légitime” est du pain béni pour la campagne qui va bientôt commencer. McConnell a d’ailleurs peut-être voulu réduire la portée de ce type de message en montrant que tous les républicains ne partagent pas cette lecture des évènements ; mais ce faisant, il rajoute de la division à un parti déjà largement divisé.
Trump a envisagé une amnistie pour les émeutiers du Capitole
Comme d’autres chefs d’État, le président américain a un droit d’amnistie. C’est d’ailleurs courant qu’en fin de mandat, le président américain sortant distribue des amnisties pour “services rendus”. Une habitude que personnellement je trouve choquante.
Après l’insurrection du 6 janvier, Trump a sérieusement envisagé une amnistie générale des émeutiers — ce qu’il était en droit de faire tant qu’il était officiellement président. Il n’est toutefois pas clair si une amnistie “préventive” a le moindre sens juridiquement parlant : au moment où il était encore président, peu, voire aucun, des émeutiers n’avaient encore été mis en examen ni fait l’objet de poursuites.
Reste que s’il est réélu en 2024, il a promis une telle amnistie de masse. Et si elle avait lieu, une telle amnistie aurait pour conséquence de remettre en liberté des individus qui ont activement tenté de renverser le gouvernement démocratiquement élu des États-Unis.
Quelle mouche a piqué le nouveau gouverneur républicain de la Virginie ?
J’avais abordé son élection dans un numéro en fin d’année dernière : Glenn Youngkin, un républicain, avait remporté d’une courte tête l’élection au poste de gouverneur en Virginie. Il était présenté comme “Trump-light” : sans utiliser la rhétorique de Trump, rhétorique qui fait fuir l’électorat centriste, il donnait quelques signes de tête en faveur de la base républicaine trumpiste.
Toutefois, la Virgine est un état de plus en plus pro-démocrate. Un républicain trumpiste n’est sans doute politiquement pas viable dans cet état. C’est donc avec étonnement que je le vois entamer son mandat de gouverneur.
Pour commencer, il a possiblement abusé ses pouvoirs de gouverneur en signant un décret autorisant les écoles à rendre le port du masque optionnel. Une loi a pourtant été votée par le parlement de Virginie qui oblige les écoles à s’aligner sur les recommendations du CDC. Ce décret a été attaqué en justice par plusieurs groupes, les procédures sont encore en cours – certaines défavorables au décret, d’autres favorables (quoi que ce soit pour des raisons de procédure).
Dès la première semaine de son mandat, il a également mis en colère de nombreux élus démocrates suite à plusieurs prises de position — alors même qu’il avait promis de gouverner en bonne intelligence avec eux.
Son équipe de campagne a enfin attaqué un mineur sur Twitter. Il s’est distancié de ces attaques, sans s’excuser ni appeler le mineur en question. Il lui aura d’ailleurs fallu plusieurs jours pour se distancer de ces attaques.
Je suis perplexe de le voir mener un début de mandat aussi radical. Il a remporté son élection avec deux points d’avance sur son concurrent démocrate, dans un état de plus en plus pro-démocrate. J’imagine que lui considère que c’est la meilleure stratégie politique à adopter, mais en l’état je ne vois pas ce qui pourrait lui faire penser ça.
Un shutdown du gouvernement fédéral pour le moment évité
C’est un classique de la vie politique américaine : les shutdowns du gouvernement fédéral. Chaque année, le Congrès doit voter pour augmenter le budget de l’État fédéral. Et chaque année, il y a un risque que ce vote soit retardé — auquel cas le gouvernement fédéral se retrouve contraint de… fermer ses portes tant que l’augmentation du budget n’a pas été votée.
Ces shutdowns sont très coûteux : ils perturbent la fourniture des services publics, ils empêchent l’administration fédérale de faire son travail, et ils créent stress et anxiété chez les fonctionnaires fédéraux qui ne sont plus payés aussi longtemps que dure le shutdowns.
Heureusement, cette année démocrates et républicains ont manifestement réussi à s’entendre pour éviter un shutdown. Ils ne se sont pas encore mis d’accord sur un budget définitif, mais ils sont a minima d’accord pour des mesures temporaires permettant au gouvernement fédéral de continuer à travailler.
La Cour suprême autorise la nouvelle carte électorale de l’Alabama
La Cour suprême, avec 6 de ses juges nommés par un président républicain pour seulement 3 nommés par un président démocrate, vient d’autoriser avec une majorité de 5 à 4 juges l’Alabama à conserver sa nouvelle carte électorale. Elle avait été attaquée devant la justice car d’après les critiques, elle dilue la représentation des personnes noires — ce que la loi fédérale interdit. Une cour de justice avait précédemment considéré que la plainte était fondée et avait exigé de l’Alabama qu’une nouvelle carte électorale soit proposée.
La décision de la Cour suprême n’est toutefois pas définitive : une procédure avec des plaidoiries aura lieu plus tard dans l’année. Mais comme ces plaidoiries auront lieu trop tard pour l’élection, la Cour a décidé d’autoriser “temporairement” la nouvelle carte. Une décision qui n’a pas fait l’unanimité chez les juges, loin s’en faut.
Depuis une dizaine d’années, la Cour suprême à majorité conservatrice a réduit les protections pour garantir l’équité du vote, et cette nouvelle décision confirme la tendance. Tendance que l’on a toutes les raisons de penser qu’elle va continuer. Même si la décision ne peut, en l’état, pas faire jurisprudence. Il faudra attendre la décision finale, qui sera sans doute prise en fin d’année.
Où sont les condamnations du Parti républicain pour tous ces documents officiels que Trump a déchiré ?
Pendant toute la campagne de 2016, le Parti républicain n’a eu de cesse d’attaquer Hillary Clinton pour avoir utilisé un serveur d’emails privé lorsqu’elle était secrétaire d’État. Compte tenu de la marge très réduite avec laquelle Donald Trump l’a emporté cette année là, il est tout à fait légitime de se dire que Clinton a perdu cette élection après que l’ancien directeur du FBI ait publié une lettre quelques jours avant le scrutin déclarant qu’elle avait été “extrêmement négligente”.
Une loi fédérale prévoit que toutes les communications de l’administration fédérale soient systématiquement archivées. En utilisant un serveur d’emails privé, Clinton est contrevenue à cette loi. Utiliser un serveur privé pose par ailleurs de vrais risques en termes de sécurité. Reste que de mon point de vue, oui c’était problématique de sa part d’utiliser ce serveur privé, mais de là à en faire un scandale national, peut-être pas.
Surtout, il a récemment été rapporté dans la presse que Trump a passé sa présidence à déchirer des documents officiels — ce qui contrevient là aussi à cette même loi fédérale. Il a également emporté quinze boîtes de documents officiels à sa résidence de Mar-a-Lago, ce qu’il n’a pas non plus le droit de faire.
Après avoir lancé des commissions d’enquête et en avoir fait un thème de campagne majeur, le Parti républicain est cette fois-ci bien silencieux…