#5 · 2022 sera une année importante pour la démocratie américaine

Les midterms de novembre seront une répétition générale de ce à quoi pourrait ressembler l’élection présidentielle de 2024

#5 · 2022 sera une année importante pour la démocratie américaine

Chère abonnée, cher abonné,

Pour commencer, permettez-moi de vous souhaiter une excellente année 2022 !

2021 vient de s’achever – et avec elle, une année mouvementée pour la démocratie américaine. Entre l’attaque du Capitole il y a pile un an par des extrémistes pro-Trump, la radicalisation autoritaire du Parti républicain et le vote de nombreuses lois réduisant le droit de vote dans de nombreux états contrôlés par le Parti républicain, la défaite de Donald Trump en novembre 2020 n’a rien réglé à la crise politique américaine.

2022 s’annonce comme une année importante, car auront lieu en novembre les élections dites de mi-mandat – ou midterms. La Chambre des représentants sera renouvelée, ainsi qu’un tiers du Sénat. D’importantes élections locales auront également lieu – comme les élections pour les gouverneurs.

Il est courant que le parti au pouvoir fasse un mauvais résultat au cours des midterms– et tout laisse à croire que le Parti démocrate, qui gouverne avec de courtes majorités au Congrès, est à risque de perdre la Chambre des représentants. C’est moins clair pour le Sénat.

Les midterms de 2022 seront également les premières élections ayant lieu après le redécoupage de la carte électorale faisant suite au recensement de 2020. Ce redécoupage est l’occasion pour les deux partis dominants de dessiner des cartes électorales qui leur sont favorables – une pratique connue sous le nom de gerrrymandering. En plus d’être douteux d’un point de vue éthique, le gerrymanderingréduit l’influence électorale de certains groupes d’électeurs et, bien évidemment, altère les résultats électoraux. C’est d’ailleurs tout son objectif. Tout laisse à croire que les républicains bénéficieront de quelques sièges supplémentaires à la Chambre des représentants grâce à cette pratique. Si l’élection est serrée, ces quelques sièges peuvent faire la différence entre la défaite et la victoire.

Les différentes restrictions du vote votées par de nombreux états républicains, le plus souvent motivées par l’argument complotiste que Joe Biden aurait remporté l’élection présidentielle grâce à des fraudes, prendront aussi effet. Ces restrictions sont à l’origine conçues pour rendre plus difficile le vote de certaines populations traditionnellement favorables aux démocrates – comme les noirs. Mais il existe des raisons de penser qu’elles seront également défavorables pour une partie de l’électorat républicain. Leur effet total sur le résultat des midterms est à ce stade ambigu.

Certaines élections locales seront d’une importance capitale en vue de l’élection présidentielle de 2024 : Donald Trump et ses alliés républicains sont d’ores et déjà en train de préparer leur prochain coup d’État, et leur stratégie repose en grande partie sur le contrôle des institutions dans un certain nombre d’états. Gouverneurs, lieutenants-gouverneurs, parlements des états, commissions électorales, et ainsi de suite. Si les républicains remportent un nombre important de ces élections, on pourra légitimement s’inquiéter de ce qu’il se passera en 2024.

En toile de fond de ces élections se retrouve la radicalisation autoritaire du Parti républicain. Il ne me paraît pas aberrant d’envisager que si les républicains remportent la Chambre des représentants, ils lanceront une procédure fantoche d’impeachment contre Joe Biden. Ils bloqueront sans doute systématiquement ou presque la moindre mesure de Joe Biden. Et ils continueront très certainement à légitimer les attaques contre les institutions et l’intégrité du processus démocratique.

Enfin, la dernière menace vient de la Cour Suprême. Je viens de publier un article du wiki où j’explique son fonctionnement. Les républicains y ont forcé la nomination controversée de trois juges conservateurs au cours du mandat de Trump, élargissant la majorité conservatrice de la Cour. Jusqu’ici épargnée par la crise de confiance entre les citoyens américains et leurs institutions politiques, des sondages récents montrent que la Cour Suprême est de plus en plus perçue (d’après moi, à juste titre) comme une institution partisane. Elle a commencé à s’attaquer au droit à l’avortement – alors que les deux tiers des américains sont favorables à l’avortement.

Certains des juges conservateurs essaient de lutter contre cette perception, mais lorsqu’ils le font dans des évènements partisans, organisés par des républicains, ou en usant d’un langage polémique, c’est peu de dire que ça ne convaincra personne – et sûrement pas ceux qui doutent de son indépendance.

Vu de France, je ne suis pas sûr que l’on réalise la précarité dans laquelle est actuellement la démocratie républicaine. Elle n’est pas morte, loin s’en faut, mais elle est en danger. Ces midterms seront une sorte de répétition générale des tendances qui pourraient se concrétiser en 2024. Et il faudra scruter avec attention l’attitude de la Cour Suprême.

Je vous souhaite encore une fois une excellente année 2022 !